Dans le cadre du plan France 2030, l’Etat fait de la redynamisation de l’industrie sa priorité. Parmi ses leviers d’action : soutenir l’émergence de start-ups industrielles. A la clé, plus d’innovation et d’agilité pour les filières traditionnelles, mais aussi la création d’emploi. Malgré la mise en place de nombreux dispositifs de soutien, la France compte encore peu de start-ups dans ce domaine. Décryptage.
La réindustrialisation est un levier fondamental pour relancer l’économie française. Alors que les précédentes décennies ont été marquées par un mouvement de désindustrialisation, l’Etat mise sur la relocalisation. En 2019, Bpifrance mettait en œuvre le Plan Deeptech. Résultat : 250 start-ups proposant des produits ou des services sur la base d’innovations de rupture ont été créées en 2021. L’objectif étant d’atteindre les 500 chaque année d’ici 2030, dont la moitié auront une vocation industrielle. En 2020, le plan France Relance soutenait aussi les PME et ETI innovantes à travers les programmes d’investissements d’avenir (PIA).
start-ups industrielles en France : pourquoi si rares ?
Pourtant, encore peu de start-ups industrielles osent se lancer en France. En 2021, on en comptait environ 1 500 selon le rapport de la Mission de l’Inspection générale des finances. Soit seulement 12 % du total des start-ups du pays. En cause, trop de freins administratifs et une faible appétence des investisseurs. En janvier dernier, le passage de la start-up Exotec (Voir encadré) au statut de licorne (start-up indépendante valorisée à plus d’un milliard de dollars et non cotée en bourse) a marqué un tournant. Mais elle reste pour l’instant la seule. « Jusqu’à présent, tous nos efforts étaient centrés sur les start-ups de la tech, de la santé et du digital, qui sont devenues des filières dynamiques. Aujourd’hui, le but est de s’en inspirer pour relancer l’industrie. Depuis 3 ans, le Plan Deeptech pose les prémices de cette dynamique », explique Paul-François Fournier, Directeur exécutif Innovation chez Bpifrance.
réinventer les métiers historiques de l’industrie.
Dans la continuité du Plan Deeptech, l’année 2021 a vu naître plusieurs dispositifs visant à redynamiser les métiers de l’industrie. Parmi eux, la plateforme Tech in Fab, portée par Bpifrance. Ce portail d’information vise à mettre les start-ups françaises au service de l’industrie. Diverses fonctionnalités sont mises à la disposition des utilisateurs : des contenus pédagogiques sur l’innovation et la digitalisation, et un répertoire d’acteurs de la French Tech (écosystème des start-ups françaises). Par ce biais, la promesse de réaliser deux ambitions : accélérer la transition technologique des industriels, et proposer des opportunités commerciales aux start-ups les plus innovantes. Bpifrance est également partenaire de France Industrie, afin de renforcer cette dynamique de collaboration. « Les start-ups industrielles ne sont pas un monde à part : elles constituent de nouvelles opportunités pour l’industrie traditionnelle et peuvent contribuer à réinventer des marchés. Inversement, ces jeunes structures peuvent apprendre de l’expérience des filières historiques ». De nombreux secteurs de l’industrie peuvent ainsi bénéficier du savoir-faire innovant des start-ups : spatial, agroalimentaire, pharmaceutique, etc. La jeune pousse Exotrail propose par exemple une solution novatrice pour produire des moteurs de satellites. Les technologies agri-tech permettent notamment de concevoir des tracteurs sans impact carbone, et les start-ups santé de créer des dispositifs médicaux connectés.
faire émerger de nouveaux marchés.
En offrant de nouveaux procédés au secteur de l’industrie, les start-ups contribuent aussi à créer de nouvelles filières et de nouveaux marchés. Par exemple, Ÿnsect se spécialise dans l’élevage d’insectes et dans leur transformation en ingrédients à destination des animaux. La promesse de nouvelles opportunités pour l’industrie agroalimentaire. Pour soutenir ce type d’initiatives, le Plan France 2030 prévoit une enveloppe de 2,3 milliards d’euros afin de créer 100 sites industriels par an à l’horizon 2025. Pour ce faire, 3 grandes pistes de travail : renforcer le soutien aux Deeptech, faciliter l’industrialisation des start-ups au travers de financements (dettes et fonds propres) et d’une offre d’accompagnement adaptée. « Les start-ups industrielles sont plus à même de s’insérer dans les filières traditionnelles que celles du digital. Pour 80 % d’entre elles, leurs technologies sont issues de laboratoires régionaux. Ce qui en fait des entreprises non délocalisables. Il faut en profiter pour bâtir des usines ancrées dans nos territoires ». Un levier conséquent pour faire progresser la réindustrialisation du pays et y créer de l’emploi.
3 questions à Julien Perrin, directeur industriel chez Exotec.
(Exotec, licorne française qui optimise les entrepôts industriels)
Quels sont les avantages de l’offre proposée par Exotec aux industriels ?
Nos solutions robotiques multiplient par 5 la productivité des entrepôts industriels. Elles permettent de stocker des produits jusqu’à 12 mètres de haut, ce qui accroît les capacités de stockage sans augmenter les coûts liés à une surface additionnelle, et d’optimiser leur picking, grâce à des robots grimpant jusqu’à 4 mètres par seconde pour récupérer un produit en un temps record. Un outil qui facilite la préparation de commandes et offre un meilleur confort aux opérateurs, en leur évitant de soulever des poids trop importants. Exotec l’utilise d’ailleurs sur ses propres sites ! Cette solution modulable, agile et flexible a été conçue pour s’adapter aux évolutions des besoins de nos clients : elle peut être implémentée sur un espace d’un entrepôt ou d’une usine et se développer petit à petit si nécessaire.
Selon vous, quels sont les freins au développement des start-ups industrielles en France ?
Les start-ups industrielles ont un temps de développement plus long que celui des start-ups du digital, de la santé ou de la tech, notamment en raison de leur organisation plus complexe. Les cycles de développement des produits industriels sont effectivement composés de plusieurs étapes. Et pour proposer un rendu de qualité, ces structures doivent réunir des compétences différentes lors de chacune. Mais seule, une start-up ne va jamais très loin ! C’est pourquoi Exotec a choisi de s’appuyer sur des socles existants. Il n’est pas toujours nécessaire d’apporter de l’innovation partout, il est important de conserver ce qui fonctionne bien. Un rack reste un rack par exemple, mais nous ajoutons de la rupture là où c’est pertinent. Par exemple, le pilotage informatique des machines ou leur déplacement en trois dimensions.
Quels sont vos objectifs pour demain ?
Nous souhaitons faire évoluer nos produits afin de développer une gamme de robotique complète de l’entrepôt : picking, convoyage…. Par exemple, nos équipes travaillent sur le Skypicker, notre nouveau produit de picking. Nous misons beaucoup sur notre R&D, et prévoyons notamment de recruter 500 ingénieurs prochainement.