Téléphones aux sonneries improbables, collègues qui tapotent sur la table avec leurs stylos, bavardages ou éclats de rire… L’aménagement des bureaux en open space ne semble plus faire recette et jouerait un rôle non négligeable sur la productivité et le travail collaboratif. Les entreprises cherchent à réorganiser l’espace de travail…
Free seating, cloison acoustique, flex office, home office ou espace de détente….on ne compte plus les aménagements possibles dans des lieux de travail et les entreprises en quête de l’aménagement le plus adéquat pour leurs salariés. Et pour cause : selon une étude d’Human Spaces de 2015, l’aménagement de bureaux a un impact direct sur la productivité des salariés et donc sur les résultats de l’entreprise. Il participe aussi à son attractivité et à la recherche de nouveaux talents.
Proposer un environnement de travail innovant, sécurisant et agréable favorise l’efficacité et apporte de l’intérêt au salarié. Or, le grand plateau ouvert d’open space très à la mode depuis les années 90 ne ferait plus ses preuves. Selon une étude de deux professeurs d’Harvard, Ethan S.Bernstein et Stephen Turban, il ne faciliterait pas la communication, bien au contraire. Les employés s’enverraient plus de mails et prendraient beaucoup moins la parole au sein de l’entreprise. Les échanges par mails augmentent de 67% et par messagerie instantanée, eux, de 75%, après le passage en open space. Les experts auraient même enregistré une baisse de 73% des échanges en comparaison avec des employés d’espaces cloisonnés.
Haro sur l’open space et les bureaux individuels
En cause ? Le manque d’intimité au sein des open space et l’impossibilité de se concentrer. Les chercheurs estiment que les employés, en réponse à cela, construiraient des « murs virtuels ». Ils prônent la mise en place d’espaces clos permettant le développement de la créativité et de la collaboration.
À l’inverse, les bureaux individuels et totalement cloisonnés ne sont pas propices aux échanges et au travail collaboratif. La génération des Millenials veut des espaces de travail connectés, nomades et flexibles, mais « ne sont pas fans des open spaces », souligne Nathalie Georges, fondatrice du cabinet Ideal Place to Work.Les entreprises se tournent donc de plus en plus vers des modèles plus hybrides, laissant plus de liberté à leurs collaborateurs. La réorganisation de l’espace de travail passe pour certaines entreprises par la mise à disposition des salariés d’endroits dédiés à des activités précises, comme un corner pour prendre un café ou des lieux spécifiques pour réunions informelles. D’autres investissent dans de nouvelles technologies comme des casques isolants, des e-bulles ou des écouteurs anti-bruits. Mais nombreux sont les groupes où l’aménagement est repensé en profondeur. « La plupart des entreprises cherchent aujourd’hui à copier les nouveaux espaces de coworking, souligne Nathalie Georges. L’idée est d’être au travail comme à la maison ».
Plus de flexibilité
L’espace de travail est repensé comme un lieu qui favorise les liens sociaux, le travail collaboratif, l’innovation et la créativité, tout en respectant l’intimité des salariés. Une tendance rendue possible notamment avec le développement des outils digitaux.
Le flex office, nouveau Graal des entreprises, se développe en se fondant sur la mobilité des salariés. Plus de bureaux attitrés, des espaces développés pour le collaboratif et des lieux de détente, ouverts à la discussion et au partage entre salariés. Accenture, Randstad, Axa ou encore Sanofi l’ont expérimenté.
Il permettrait d’être plus réactif, de casser les silos et de faciliter le travail collaboratif, selon le conseil en immobilier JLL qui a mené une étude auprès de 14 grandes entreprises ayant adopté le concept de bureau nomade. Pour autant, cet aménagement reste une exception encore en France et ne concernerait que 3% des salariés français. Au niveau mondial, 45% des entreprises multinationales envisageraient pourtant de se tourner vers ce système d’ici à 2020, d’après les données de CBRE. Même si les salariés seraient 68% à même être opposés à cet aménagement, arguant une déshumanisation de l’entreprise et le sentiment d’être interchangeable, selon une étude d’Opinion Way.
Des univers modulables et complémentaires
Plus souple encore, Colliers International France estime que le modèle NWoW (New Ways of Working), est la version la plus aboutie de l’aménagement de l’espace de travail. Le concept requiert la mise en place et formation sur des outils digitaux variés et efficaces pour favoriser la collaboration, surtout à distance, et une complète mobilité, ainsi qu’un aménagement de l’espace par activité. Un modèle idéal « pour la collaboration, la transversalité, la confiance et l’autonomie », selon le groupe.
L’étude Smart Workplace 2040, elle, va même plus loin dans la liberté du salarié. Publiée en 2015, elle met en scène Nina, une jeune femme travaillant dans une entreprise en 2040, et permet de découvrir à quoi ressemblera le milieu de l’emploi à cet horizon. L’étude démontre ainsi que les employés décideront eux-mêmes de leur lieu et de leurs horaires de travail d’ici une vingtaine d’années.
Pour Nathalie Georges, « l’idéal est d’avoir un mix de tout, car on s’adapte alors à tous les profils dans l’entreprise ». Selon elle, « aujourd’hui, tout est possible, tout est modulable ». Transformer un espace de travail ne nécessite pas forcément de grands frais : ajouter quelques cloisons, proposer des salles de sieste, des aménagements outdoor ou encore des bulles de type cabine téléphonique pour les conversations privées pourrait suffire pour satisfaire les salariés.
« Le meilleur système reste celui qui est le plus adapté à la population dite de l’entreprise, complète Nathalie Georges. Car chaque entreprise est unique. On devrait rentrer dans l’entreprise et savoir où on est comme les magasins ont réussi à le faire depuis des années ».