Comment les industriels français et allemands appréhendent-ils leurs atouts respectifs ? Pour la seconde édition de son Baromètre de la compétitivité, publié en collaboration avec OpinionWay, Randstad Inhouse a souhaité comparer les perceptions de part et d’autre du Rhin. Le 15 février dernier, à Paris, clients et partenaires étaient conviés à une conférence sur ce thème.

Synthèse et morceaux choisis.

Lorsque l’on évalue la compétitivité industrielle de la France, c’est bien souvent en comparaison avec celle de son voisin allemand. Il est donc intéressant de connaître le point de vue des dirigeants d’entreprise sur ce sujet. C’était l’objectif du second baromètre Randstad Inhouse de la compétitivité, publié fin 2017. Gaëtan Deffrennes, directeur général de Randstad Inhouse, rappelle à quel point cet enjeu de compétitivité figure au cœur du métier et des préoccupations quotidiennes de ses équipes. « C’est bien pour permettre à nos clients de produire en France que nous les aidons à réduire les coûts de la flexibilité et à optimiser leur productivité », souligne-t-il.

Perceptions et postures diffèrent sensiblement

Que révèle l’enquête* “France et Allemagne : regard croisé sur la compétitivité des entreprises industrielles” menée fin 2017 pour le compte de Randstad Inhouse ? Tout d’abord que si le rôle moteur du couple franco-allemand au sein de l’Union européenne fait consensus dans l’industrie, nombreux sont ceux (57 % des dirigeants interrogés en France, 46 % en Allemagne) qui considèrent que ce couple est déséquilibré. Emmanuel Kahn, directeur des études chez OpinionWay, explique aussi à quoi tiennent les principales différences de perception et de postures de part et d’autre du Rhin. « De façon générale, l’industrie allemande s’estime mieux intégrée aux économies européenne et mondiale. De plus, les Français se sentent moins bien armés que leurs concurrents allemands en termes de main d’œuvre, d’innovation et de réglementation. »

Des atouts spécifiques, des défis communs

Autre enseignement notable de l’enquête : les entreprises industrielles françaises jugent que leur compétitivité découle principalement de leurs process (production, innovation, recrutement). En Allemagne, en revanche, on considère que ce sont avant tout les ressources (main-d’œuvre, sous-traitance, infrastructures) qui font la différence sur les marchés. Enfin, ce second Baromètre pointe un certain nombre de grands défis communs pour l’avenir : l’assouplissement de la réglementation, la capacité à recruter de la main-d’œuvre qualifiée et l’innovation. Les industriels français accordent toutefois plus d’importance que les Allemands aux enjeux d’innovation et de lutte contre la concurrence.

Une culture de l’export plus ancrée chez les industriels allemands

Dès le lancement de la table ronde, animée par Isabelle Gounin-Levy, journaliste économique à LCI, Ludovic Subran, chef économiste et directeur de la recherche économique d’Euler Hermes, remarque que « la perception des personnes interrogées ne correspond pas toujours à la réalité. Cela confirme en tout cas que Français et Allemands n’appréhendent pas la compétitivité internationale de la même façon. » Ludovic Subran (lire l’interview complémentaire) explique ainsi que les industriels outre-Rhin « vont plus vite, plus loin » et que cette propension à partir chercher des marchés en dehors de leurs frontières est ancrée dans leur culture depuis plus longtemps. « Pour se lancer à l’export, les Français attendent l’aide d’un dispositif public, alors que les Allemands l’envisagent plutôt comme une problématique privée », note-t-il. Ludovic Subran voit la France, du fait de son système social et de son histoire, comme une sorte de « ventre mou » de l’économie européenne. Selon lui, « elle ne touche jamais vraiment le fond et, du coup, elle ne rebondit jamais très vite. Ainsi, pendant la crise, les Allemands sont allés plus rapidement chercher la croissance ailleurs. »

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De gauche à droite : Isabelle GOUNIN-LEVY (journaliste LCI), Ludovic Subran, Bruno Bouygues, Emmanuel Kahn

Le Made in France reviendrait-il en grâce ?

Président-directeur général de GYS, entreprise familiale basée en Mayenne et particulièrement performante à l’export, Bruno Bouygues en témoigne : les industriels allemands ont un rapport différent à leur environnement concurrentiel et à leur écosystème. Pour lui, les élites d’outre-Rhin apprennent davantage, dès les bancs des écoles de management, à « travailler ensemble ». « Les Allemands chassent en meute », confirme Ludovic Subran.

Bruno Bouygues signale également que si le cap des 50 salariés est souvent vu comme un problème en France, les PME allemandes se sentent parfaitement à l’aise pour étoffer leurs effectifs au fil de leur croissance. Il y voit un avantage supplémentaire lorsqu’il s’agit d’aborder les marchés internationaux. Mais il rappelle surtout que la marque-territoire confère un atout-maître à l’économie allemande. Il a pu constater à quel point la seule estampille “Made in Germany” permet de pratiquer des tarifs sensiblement plus élevés à qualité égale (lire l’interview de Jörn Bousselmi, directeur général de la Chambre Franco-Allemande de Commerce et d’Industrie).

L’entrepreneur estime toutefois que nous sommes à un tournant. Pour lui, l’image de la France à l’étranger a sensiblement changé depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Par ailleurs, il constate que l’Allemagne est de plus en plus confrontée à un problème de pression sur les salaires. Isabelle Gounin-Levy rappelle à ce propos que dans le cadre des récentes négociations sur les accords de branche, le puissant syndicat IG Metall demande des augmentations de salaire de 5 % et 28 heures hebdomadaires de travail.

Rendre les métiers industriels plus attractifs

La question de la formation figure évidemment au cœur du débat. Bruno Bouygues regrette qu’en France, il y a quelques décennies, on ait éloigné le monde des entreprises de celui de l’école et de l’université. « Dans les faits, aujourd’hui, ce sont les entreprises qui forment », constate-t-il. L’économiste et l’entrepreneur jugent tous deux que la réforme de l’apprentissage entreprise par le gouvernement va plutôt dans le bon sens. Toutefois, Bruno Bouygues pense qu’il faudra du temps pour que les mesures portent véritablement leurs fruits. « Changer le regard des jeunes sur l’apprentissage ne se fera pas du jour lendemain. Si l’on y parvient, cela se fera sur toute une génération. » Cela rejoint un enjeu important pour la compétitivité et la productivité des ressources humaines, en France comme en Allemagne : l’image des métiers industriels. Pour Bruno Bouygues, « il faudrait un Erasmus pour les PME industrielles, car il est dommage que les métiers de l’industrie soient si peu valorisés et attractifs aux yeux des jeunes. » L’entrepreneur mayennais estime néanmoins encourageant que l’industriel Elon Musk (Tesla, SpaceX) représente aujourd’hui une figure de premier plan pour les nouvelles générations. Il est vrai que, jusqu’ici, celles-ci tendaient plutôt à considérer comme inspirantes des personnalités venues du monde de l’informatique…

Prêts pour la quatrième révolution industrielle ?

Dernière grande thématique abordée lors de cette table ronde : face à l’émergence de l’industrie 4.0 et des usines du futur, comment la France et l’Allemagne se positionnent-elles respectivement ?

Pour Ludovic Subran, si les Allemands ont une longueur d’avance sur les Français dans ce domaine, c’est notamment parce que l’organisation géographique de leur tissu industriel s’y prête davantage. Mais Bruno Bouygues note que, là encore, la France jouit actuellement d’une image plutôt redorée. Selon lui, « quand de grandes entreprises mondiales chercheront des pays pour installer des usines 4.0, la France sera plutôt bien placée, notamment parce qu’elle a un vrai savoir-faire en matière de logiciels. De plus, signale-t-il, si nos territoires parviennent à attirer ces usines, elles vont s’épanouir et diffuser progressivement leur culture et leurs process dans des entreprises de plus petites tailles. »

Selon Ludovic Subran, dans la mesure où la France a beaucoup misé sur le capital humain, le capital social et les infrastructures, elle peut effectivement se trouver dans une position favorable pour répondre aux besoins futurs de l’industrie. Mais l’économiste estime que pour profiter pleinement de ce potentiel, il faudra faire des choix impactants en termes d’éducation, de recherche, de liens entre universités et entreprises, de décentralisation, de services publics… En regardant les industriels allemands non comme de redoutables concurrents, mais avant tout comme des partenaires potentiels.



* Enquête administrée par OpinionWay, par téléphone, du 4 au 22 septembre 2017, auprès d’un échantillon de 401 établissements de 10 salariés et plus du secteur de l’industrie (200 en France et 201 en Allemagne).

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