S’il est un poste d’observation intéressant pour analyser les atouts respectifs des deux pays en matière de tissu industriel et comparer leurs capacités à exporter, c’est bien la Chambre Franco-Allemande de Commerce et d’Industrie.
Interview de Jörn Bousselmi, son directeur.
Pouvez-vous présenter la Chambre Franco-Allemande de Commerce et d’Industrie ?
Nous faisons partie du réseau des Chambres de commerce allemandes à l’étranger. Nous sommes basés à Paris et nous disposons d’un bureau à Berlin. Depuis plus de 60 ans, nous accompagnons les PME allemandes, mais aussi françaises, sur les deux marchés. Nous sommes soutenus par le ministère allemand de l’Économie et notre raison d’être est de promouvoir les relations économiques franco-allemandes. De plus, comme nous sommes la plus grande chambre bilatérale présente en France, nous jouons le rôle d’un réseau d’affaires : nous mettons les entreprises en contact et nous les aidons à travailler ensemble sur de nouveaux projets. Enfin, nous intervenons comme un prestataire au service d’entreprises qui n’ont pas, en interne, les ressources nécessaires pour développer une activité de l’autre côté du Rhin.
Selon vous, qu’est-ce que ces deux pays ont à apprendre l’un de l’autre en matière de compétitivité industrielle ?
Chacun présente ses spécificités. En Allemagne, la base industrielle est nettement plus importante qu’en France, avec notamment beaucoup de PME hautement spécialisées en BtoB. Mais il existe aussi des entreprises très dynamiques en France, où l’accent est fortement mis sur l’innovation et le digital pour relancer l’industrie. Ce qui est intéressant, c’est surtout d’apprendre à travailler ensemble et de faire en sorte que chacun mette ses capacités en valeur. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus de défendre des parts de marché en Europe, mais de faire face à une concurrence globale, mondiale. Les grandes entreprises en ont déjà pris conscience : il y a de plus en plus de rapprochements franco-allemands dans l’industrie, ne serait-ce que pour pouvoir investir conjointement dans la R&D et être compétitifs face à la Chine, aux États-Unis et à d’autres acteurs émergents.
En termes d’accompagnement, quels sont les besoins et les attentes des industriels français qui veulent développer une activité en Allemagne ? Et réciproquement ?
Côté français, on constate depuis environ deux ans un intérêt accru pour le marché allemand. Les entreprises françaises cherchent à vendre outre-Rhin et veulent aussi, parfois, conquérir d’autres marchés internationaux à partir de l’Allemagne. En effet, le simple fait de pouvoir mettre une estampille « Made in Germany » sur les produits crée souvent une plus-value. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’entreprises françaises cherchent actuellement à acheter des PME manufacturières allemandes.
Quant à l’industrie allemande, elle est déjà très présente en France depuis des années. Seuls les États-Unis devancent parfois l’Allemagne en termes d’investissements et de création d’emplois dans l’Hexagone. Les industriels allemands attendent évidemment de nous que nous les aidions concrètement dans la réalisation de leurs projets. Mais ce qui les intéresse actuellement beaucoup, c’est une évaluation objective des réformes annoncées, des opportunités et des défis de marché dans une France qui évolue.
Lors de la table ronde organisée sur ce sujet par Randstad Inhouse, il a été mis en évidence le fait que les industriels français considèrent l’aide à l’export comme un dispositif public alors que les Allemands y voient surtout une problématique privée. Confirmez-vous cet écart de perception ?
Pour les PME allemandes, il est en général assez naturel de chercher à se développer sur les marchés d’exportation. Toutes les aides publiques qui sont mises en place sont considérées par elles comme un “plus”, un atout supplémentaire, mais ce n’est en rien qu’une condition pour se lancer. Alors qu’en France, du moins jusqu’à présent (mais il me semble que c’est en train de changer), les entreprises avaient effectivement tendance à attendre de bénéficier d’un soutien public pour tenter l’aventure de l’export.
Pour autant, il y a des PME et des ETI françaises qui réussissent très bien sur les marchés internationaux. Et nous constatons que celles qui s’en sortent le mieux sont, en général, celles qui se lancent avec leurs propres moyens, en sachant qu’elles devront patienter trois à cinq ans avant que leur investissement ne se rentabilise.