En matière de véhicules autonomes, la technologie progresse à grand pas, mais la réglementation suivra-t-elle ? C’est la question que l’on peut se poser au vu de l’actualité récente. Lorsque l’on met en regard l’avancement des expérimentations, la politique résolue des constructeurs et les questions réglementaires, on comprend que le calendrier n’est pas simple à définir…

L’actualité a été extrêmement fournie sur le front du véhicule autonome. La startup française Navya, pionnière du secteur, a officialisé sa future introduction en Bourse sur Euronext Paris, tandis que Kroger, géant américain de la distribution alimentaire, faisait part de son intention de tester dès cette rentrée la livraison des courses en véhicule autonome. BMW, allié pour cela avec Mobileye, Intel et Fiat, s’est ouvertement fixé l’objectif de commercialiser en 2021 un véhicule autonome de niveau 3. Et comme le constructeur allemand commence, dès la même année, à tester des véhicules de niveau 4 et 5, il va doubler la taille de sa flotte-test.

Une IA a appris à conduire en 20 minutes

Au début de l’été, on a appris qu’une startup issue des travaux de l’université de Cambridge s’est appuyée sur l’apprentissage par renforcement (Reinforcement Learning) pour former une intelligence artificielle à la conduite automobile. En 20 minutes, grâce aux corrections d’un conducteur et en utilisant comme repère les images fournies par une seule caméra, l’algorithme a appris à maintenir la voiture sur sa voie de circulation (là où les autres systèmes de conduite autonome appellent une armada de capteurs, caméras et autres radars pour cartographier leur environnement).

Autre nouvelle significative : Waymo, filiale de Google, a annoncé en juillet avoir reçu les trois premiers modèles I-Pace de Jaguar Land Rover présents aux Etats-Unis (en dehors de la propre flotte de Jaguar). Plus de 20 000 voitures devraient intégrer en deux ans le parc de Waymo, l’objectif affiché étant de « desservir plus d’un million de voyages par jour ». Cependant, Jaguar ne fournira pas à Waymo des voitures capables d’arpenter d’emblée les rues sans conducteur. Le matériel et les technologies qui permettront une véritable automatisation du véhicule seront intégrés dans un second temps.

Les équipementiers ne sont pas en reste…

Au dernier CES de Las Vegas, Valeo révélait XTraVue, un “troisième œil” capable de voir ce qui se passe devant la voiture qui vous précède (pour préparer un dépassement ou anticiper la survenue d’un piéton qui traverse). Faurecia Morphing, l’autre grand acteur français de l’équipement auto, vient, quant à lui, de présenter un concept de planche de bord modulable qui change de géométrie en fonction de l’usage que l’on fait de sa voiture (conduire, travailler ou se détendre en mode autonome).

Pour les constructeurs, la sécurité n’est pas un vrai problème

Visiblement, pour les constructeurs comme pour les autres acteurs de ce monde en pleine transformation, l’accident survenu le 18 mars dernier avec un véhicule autonome Uber (qui a causé la mort d’une personne) ne change pas vraiment la donne. « Un robot fera beaucoup moins d’erreurs qu’un humain », estimait récemment un manager du Groupe BMW, pointant toutefois la nécessité d’ « avancer étape par étape pour que le public s’habitue aux véhicules autonomes et les accepte. »

Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une révolution

Cette déclaration fait écho au « livre blanc sur les véhicules autonomes et connectés », publié fin mai par l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique). Selon l’organisme public de recherche, aucun bouleversement rapide n’est à attendre. Les premiers systèmes de transport automatisés ne devraient apparaître qu’à partir de 2025… sur des sites privés ou d’accès contrôlé. Fawzi Nashashibi, responsable de l’équipe-projet INRIA-RITS (Robotics & Intelligent Transportation Systems) affirme même que « ce n’est qu’à partir de 2040 que l’on devrait voir des voitures complètement autonomes […] dans des zones péri-urbaines et en test dans des villes. »

Adapter le code de la route ne sera pas une mince affaire

Pour l’Inria, si les voitures autonomes ne se banaliseront pas aussi vite que certains l’ont déjà imaginé, ce n’est pas seulement dû à des considérations techniques. La réglementation mettra du temps, elle aussi, à être définie et à s’appliquer. Le Code de la route devra évoluer, notamment pour pouvoir établir les responsabilités en cas d’accident. Il faudra donc de nouveaux articles de loi qui feront l’objet de votes et de débats probablement animés. À ce sujet, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), sur laquelle planche actuellement le ministère des Transports, devrait être prochainement discutée en conseil des ministres. Il conviendra aussi de préciser sur quels types d’axes routiers (départementales, autoroutes, ville…) un véhicule totalement autonome pourra circuler.

Il faudra du temps pour bouleverser les habitudes

Le gouvernement français semble favorable à une mise en circulation de voitures individuelles partiellement autonomes, dites de niveau 3, d’ici 2022. Mais il faudra sans doute attendre plusieurs années avant que l’exécutif parvienne à un consensus viable sur le sujet. Au vu des remous que suscite actuellement un simple changement de limitation de vitesse, un tel bouleversement dans les habitudes et les façons d’utiliser le réseau routier mettra certainement du temps à s‘imposer. En bref, si les technologies et l’industrie n’en finissent plus d’accélérer, il faut s’attendre à ce que ce soient surtout les députés et les assureurs qui appuient sur la pédale de frein…

Que signifient les niveaux d’autonomie ?

Avec le développement de la voiture autonome, les autorités ont souhaité se doter de normes pour classer les voitures selon leur niveau d’autonomie. Il existe deux échelles : l’une américaine (de 0 à 4) et l’autre européenne (de 0 à 5), plus précise. Toutes deux se basent sur le nombre de fonctions primaires pris en charge par l’ordinateur de bord. Voici les niveaux de l’échelle européenne.

 

Niveau 0

Le conducteur garde totalement le contrôle sur toutes les fonctions du véhicule : freins, accélération, direction.

 

Niveau 1

L’ordinateur de bord peut gérer la vitesse ou la direction. Le conducteur garde la main conserve le contrôle total du véhicule (exemple : le régulateur de vitesse adaptatif ajuste les distances de sécurité en fonction du véhicule qui précède).

 

Niveau 2

La voiture contrôle simultanément la vitesse et la direction. Le conducteur supervise les opérations, mais reste très attentif et reprend le contrôle en cas de défaillance du système : sa responsabilité est toujours entièrement engagée (exemples : le Park Assist et surtout l’Autopilot de Tesla).

 

Niveau 3

Dans certaines situations prédéfinies, le conducteur délègue totalement la conduite (par exemple, pour consulter ses messages ou lire son journal dans les bouchons du matin). Il doit pouvoir reprendre la main, en particulier quand le véhicule signale son incapacité à gérer la situation (comme la fonction “embouteillage” du Volvo XC90).

 

Niveau 4

Dans un contexte limité et une situation prédéfinie, la voiture se déplace de façon totalement autonome : elle peut aller se garer sur un parking et revenir chercher son conducteur et ses passagers…

 

Niveau 5

La voiture conduit dans toutes les situations. L’une des plus grandes complexités à gérer pour l’ordinateur de bord : tenir compte des réactions des humains encore au volant des autres véhicules…

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