Docteure en géographie de l’Institut Français de Géopolitique, Anaïs Voy-Gillis travaille sur les enjeux et défis de la réindustrialisation de la France. Consultante auprès d’industriels pour June Partners, elle vient de publier l’ouvrage « Vers la renaissance industrielle », co-écrit avec Olivier Lluansi (Editions Marie B).

Pourquoi avoir appelé votre livre « vers la renaissance industrielle » ?

Nous aurions pu choisir le terme « réindustrialisation », mais dans l’esprit de beaucoup ce terme sous-entend de reconstruire à l’identique ce qui a été détruit. Le terme de « renaissance » nous paraissait plus approprié car, pour renaître, l’industrie française doit se réinventer en profondeur et contribuer à relever les grands défis du XXIème siècle.

En quoi est-elle en train de muter ?

L’industrie française est confrontée à plusieurs défis : l’intensification de la concurrence internationale, la numérisation de l’économie, mais aussi la mise en œuvre de stratégies industrielles offensives par certains États qui distordent la concurrence. L’ampleur de ces changements appelle donc à une transformation de l’offre des entreprises industrielles (personnalisation des produits, services associés, etc.). Elle se traduira par leur capacité à innover et donc à renouer avec l’inventivité qui a fait la grandeur de l’industrie française, mais aussi dans la manière de produire (flexibilité et agilité de l’outil de production tout en maîtrisant les coûts par exemple), de distribuer les produits (délais de livraison par exemple) ou encore dans les interactions des entreprises avec leur écosystème.

Les industriels ont pris conscience, à des degrés divers, de ces nécessaires évolutions. Mais il y a encore de nombreux efforts et obstacles : manque de vision ou manque d’intérêt pour le sujet, absence d’équipes en interne pour entamer la transformation, manque de moyens financiers, etc.

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Anaïs Voy-Gillis

En quoi la pandémie du coronavirus a-t-elle constitué une crise inédite pour l’industrie ?

La crise actuelle est inédite car elle a entraîné un double choc de grande ampleur : celui de l’offre et de la demande. Ses effets sont loin d’être derrière nous avec des risques de défaillance d’entreprises très élevés, d’OPA hostiles, de destruction de savoir-faire, de difficultés logistiques, etc. Le tissu productif français qui avait déjà été affaibli par quarante ans de désindustrialisation et par la crise économique de 2008/2009 va être touché en profondeur.

Vous évoquez dans votre livre l’idée de « faire revivre un imaginaire industriel ». Pourquoi et comment ?

La France a toujours maintenu des politiques industrielles malgré la désindustrialisation profonde que le pays a connue, mais elle a perdu de vue l’importance d’avoir une stratégie industrielle claire et stable comme l’a fait l’Allemagne en se représentant comme un pays « site de production » au moment de la réunification. Il faut définir au service de quel imaginaire nous mettons en œuvre notre stratégie pour envisager ce renouveau. Quelle place et quel rôle voulons-nous pour l’industrie française ? Cette problématique est étroitement liée au modèle de société que nous souhaitons.

L’industrie peut être un moyen d’assurer notre souveraineté nationale, économique et technologique, mais elle est également, par sa capacité à créer des richesses et des emplois pérennes dans les territoires, un outil pour participer à la cohésion sociale et territoriale de la France.

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