Chaque année depuis 5 ans, le baromètre Randstad Inhouse compare la compétitivité des industries françaises et allemandes, en partenariat avec OpinionWay. La Covid-19 est au cœur de cette édition 2020 qui décrypte la résilience des acteurs de chaque pays face à cette crise sanitaire et économique.
Entretien avec Gaëtan Deffrennes, directeur général de Randstad.
Comment les industriels français et allemands vivent-ils la crise ?
Gaëtan Deffrennes : En France comme en Allemagne, la pandémie s’est traduite par une baisse d’activité. Nous notons cependant des différences : elle s’est réduite pour 1 entreprise allemande sur 2, alors qu’elle a impacté 7 industriels français sur 10. Même si le retard a, en partie, été rattrapé avec la reprise qui a suivi, les 2 pays s’attendent à une contraction de leur chiffre d’affaires en 2020. Ce contexte a, bien sûr, entamé le moral des industriels. Le baromètre le souligne à travers un complexe d’infériorité des Français vis-à-vis des Allemands, déjà présent dans nos enquêtes passées, qui s’est accentué.
Quels ont été les leviers activés pour faire face à la crise ?
L’activité partielle et le télétravail ont été plébiscités par les industriels, surtout en France. Nous avons été surpris du fait que les accords de performance collective ont été très peu négociés : 0,5 % des industriels français déclarent les avoir mis en œuvre, contre 8 % des Allemands. Pour faire face à la crise, les industriels des deux pays ont en fait privilégié les mesures leur permettant de conserver leurs forces vives afin de pouvoir les mobiliser au moment de la reprise.
Comment les industriels français et allemands traversent-ils la 2eme vague?
Lorsque nous les avons interrogés en septembre, à l’aube de la 2eme vague, ils se sentaient prêts à l’affronter. La situation est très différente de la 1ère vague durant laquelle les industries françaises et allemandes ont plié mais n’ont pas rompu. Elles ont démontré leur capacité de résilience.
Aujourd’hui, la grande majorité de nos clients industriels continue de travailler, sauf certaines entreprises dans le secteur de l’aéronautique ou de l’automobile qui continuent à souffrir du contexte. Pour celles-ci, l’activité est à l’arrêt. Les entreprises industrielles vont continuer à souffrir dans les prochains mois, mais elles semblent armées pour résister à la crise. A condition qu’elle ne dure pas trop longtemps.
Ce baromètre mesure également la capacité de résilience des industriels dans ce contexte de crise. Que faut-il en retenir ?
Nous avons en effet, pour la première fois, mesuré cette capacité de résilience. Lorsque les industriels des deux pays sont interrogés, ils font presque jeu égal. L’industrie allemande affiche ainsi un très bon score de résilience de 81/100, mais avec 74/100 la France ne se laisse pas distancer et affiche des atouts indéniables pour résister à la crise (retrouvez le détail dans le baromètre). Ce score met en évidence le fait que les Français ont tendance à surestimer les atouts industriels de l’Allemagne et à minorer les leurs.
Selon vous, quel va être l’impact de la suppression des impôts de production pour la compétitivité française ?
Le gouvernement français a annoncé une baisse des impôts de production de 20 milliards d’euros. La première tranche de 10 milliards sera mise en œuvre au 1er janvier 2021 et un montant équivalent sera déduit en 2022. C’est une très bonne nouvelle pour la compétitivité française car elle va alléger les coûts de production. D’ailleurs, 86 % des industriels français estiment que cette mesure renforcera leur compétitivité. L’enjeu est de taille. En France, en 2018, les impôts de production s’élevaient à 109 milliards d’euros, contre à peine 23 milliards en Allemagne.
Le gouvernement français soutient des projets de relocalisation dans le cadre du plan de relance, avez-vous mesuré les attentes des industriels en la matière ?
Oui et la relocalisation de la production n’est pas une priorité des acteurs industriels français. Ils doivent avant tout faire face à la crise et ses conséquences. A peine 4% des industriels français et 1% des allemands envisagent de rapatrier leur production dans leur pays. A court terme, la relocalisation des activités est un sujet très secondaire. Ce sont des décisions lourdes, en termes d’investissements et de réorganisation, qui ne pourront concerner que les activités industrielles les plus stratégiques. D’autant plus que les consommateurs seront réticents à payer un prix plus élevé pour les mêmes produits.
Quels sont les grands enseignements de ce baromètre ?
Ces résultats confirment des tendances déjà identifiées, notamment le fait que les industriels français se sous-estiment par rapport aux industriels allemands. Deux bonnes nouvelles sont à noter : la baisse des impôts de production et des industriels prêts à affronter cette 2ème vague. Avec nos équipes, nous sommes chaque jour sur le terrain et les relations avec nos clients nous confirment ces constats. Cette période reste très incertaine sur le plan économique, mais nos industriels sont dans l’ensemble plutôt sereins.