18,4%. Ce chiffre représente l’écart de salaire entre les hommes et les femmes sur l’ensemble des contrats à temps plein, selon les chiffres de l’Insee.
Lancée il y a près de deux ans sur le territoire nantais, Negotraining tend à prendre de l’ampleur sur le plan national en étant notamment soutenue par Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Le programme s’inspire du Work Smart lancé à Boston et destiné à former 85 000 femmes, soit 50% des salariées de la ville, à mieux négocier leur salaire et les augmentations. Pour adapter le concept au territoire nantais, la chaire RSE d’Audencia, école supérieure de commerce, s’est entourée de partenaires locaux sensibles à la réduction des inégalités hommes femmes. L’accompagnement à la négociation est vite apparu comme LE sujet incontournable à cibler. Et pour cause : selon un sondage BVA pour Club media RH de mars 2018, 42% des femmes estiment que l’entretien annuel d’évaluation, où est parfois évoqué le salaire, est vécu comme un moment stressant et déstabilisant.
L’objectif de Negotraining est donc de proposer aux femmes volontaires un module de formation gratuit pour apprendre à négocier entre autres leurs salaires face à un employeur. Les groupes sont constitués de 15 à 20 femmes pour faciliter les échanges et sont orchestrés par des formateurs, qui sont essentiellement des femmes. La formation s’adresse à tous les profils, à tous les âges. « Seule condition : être une femme », précise Anne-Laure Guihéneuf, cheffe de mission sur cet atelier chez Audencia. La plupart des participantes viennent dans le cadre d’une démarche individuelle, sans en faire part à leur employeur.
La richesse de la mixité de profils
Pendant trois heures sont abordés l’art de se présenter, de ne rien lâcher, de savoir comment se mettre en avant, de connaître sa valeur et son employabilité sur le marché du travail, d’être proactives. Puis viennent des jeux de rôle, des mises en situation et le partage de bonnes pratiques et astuces sur la stratégie de négociation.
Que les femmes aient des profils très différents, qu’elles viennent du privé comme du public, qu’elles aient traversé des parcours très divers, ne semble pas poser de problème, selon Audencia. Et pour cause, elles partagent toutes le même point commun : ne pas oser et ne pas se sentir légitime à négocier un salaire ou une promotion.
Pour la cheffe de projet du module, la mixité de profils est « une vraie richesse, car elle permet aux femmes de créer du lien et donc un réseau ». Un groupe Linkedin a été ouvert pour leur permettre de poursuivre les échanges et faire part de leurs retours d’expérience.
Les étudiantes sont aussi les bienvenues dans ces formations, car le besoin d’être outillée pour mieux négocier se fait sentir dès l’entrée de carrière. « C’est là entre autres que tout se joue », selon Anne-Laure Guihéneuf.
Et les hommes ?
Delphine Macé, aujourd’hui consultante en accompagnement au changement, a participé à la formation juste après avoir obtenu son diplôme. « J’étais en recherche active d’un emploi, je savais quel salaire je voulais toucher , mais j’avais besoin d’avoir plus confiance en moi pour affronter un recruteur et le convaincre, assure-t-elle. J’y ai donc appris l’importance de négocier, de ne pas avoir peur. À chacun de mes entretiens par la suite, c’est moi qui ai abordé le sujet, ce que je n’aurai jamais fait sans les conseils et outils donnés pendant le module ».
Karen Michel, ancienne étudiante et aujourd’hui en VIE chez Airbus en Allemagne, regrette que la formation ne dure que trois heures. « La négociation vaudrait au moins deux jours d’échanges et de mises en pratique, car finalement elle sert autant pour le salaire ou une promotion que dans le domaine commercial pour négocier des contrats ou des budgets ».
Si elles sont satisfaites par le module et le recommanderaient, les deux anciennes étudiantes trouvent regrettable qu’il ne soit pas ouvert aux hommes, même si elles connaissent l’origine de l’initiative. « Après tout, eux aussi ont besoin de conseils pour bien négocier, souligne Delphine Macé. Et puis, soyons honnêtes, la plupart des recruteurs sont des hommes, ce serait bien d’avoir davantage leur point de vue ».
Un déploiement national ?
Un atelier mixte se déroulera en juin, mais les hommes seront là pour devenir formateurs avant tout. « On n’exclut pas les hommes, bien au contraire, car les inégalités sont une question sociétale, précise Anne-Laure Guihéneuf. La négociation sert essentiellement de ‘prétexte’ pour aborder la question et travailler sur l’empowerment des femmes ».
Le groupe Audencia assure un suivi des participantes et a mis en place dès le lancement de la formation une étude d’impact. Au total, depuis le lancement de ce module, 1900 femmes ont été formées au cours de plus de 60 ateliers. « Notre objectif est d’atteindre 5000 femmes formées avant la fin 2020 », souligne Anne-Laure Guihéneuf. Selon l’étude d’impact, plus de la moitié des participantes ont négocié leur salaire ou une prime suite à la formation.
La formation s’étend peu à peu à d’autres territoires, comme aujourd’hui à Angers ou Cherbourg, demain à Lille et pourquoi pas Paris. « Notre dynamique pour les mois à venir est de se concentrer sur l’essaimage de la formation », assure Anne-Laure Guihéneuf. « Faire bouger les choses doit passer par une impulsion nationale, c’est certain, mais le changement d’attitude individuelle peut aussi porter ses fruits, nous en sommes convaincus ».
Cet article est paru initialement sur re.sources, le laboratoire de réflexion et d’action sur l’emploi du groupe Randstad France.