Le petit monde du recrutement aime beaucoup les métaphores, surtout celles avec la rencontre de l’âme sœur : vous sélectionnez, vous rencontrez, vous évaluez, vous concluez.

Au point que l’agence de recrutement Match (disparue depuis) avait lancé son site de rencontre en parallèle ou encore Meetic qui avait fait appel à Assessfirst – spécialiste des tests de recrutement prédictif – pour créer son test de matching.

 

Par Benjamin Chaminade

Je pourrais aussi vous citer ce dirigeant d’une entreprise dite libérée qui me disait que le candidat idéal est celui à qui vous avez envie d’offrir un verre. Et ce n’est pas le seul à penser que le seul juge doit finalement être son « feeling ».

 

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Alors admettons, vous avez un coup de cœur virtuel pour un(e) candidat(e) en étant séduit(e) par sa maîtrise du CV, par les mots clés parfaitement étudiés, ou plus prosaïquement par son école ou son parcours qui ressemble au vôtre. Vous êtes comme un dingue à attendre de lui parler ou le/la rencontrer… Vous savez de quel état je parle, n’est-ce pas ?

Jour J : mais voilà l’entretien téléphonique ou la rencontre physique qui vous démontre que finalement non, ce (cette) candidat(e) n’est pas aussi prometteur que son CV le laissait présager. Il est en retard, il n’est pas habillé comme il le devrait, il parle argent, mutuelle ou temps de travail au bout de 5 minutes, il vous pose des questions surprenantes…bref, ce n’est pas lui, ce n’est pas elle !

Parfaite preuve que le « bon feeling » a ses limites. Et oui, il faut se méfier de son « feeling », surtout en matière de recrutement ! Je vous parle en connaissance de cause, pour avoir moi-même recruté à plusieurs reprises, en suivant mon intuition avant de finalement réaliser que cela ne vaut pas mieux que de prendre un CV au hasard dans une pile. Je pense notamment à ce salarié motivé, sérieux et qui avait de très bons résultats… jusqu’à ce que la police vienne m’interroger car il était impliqué dans un réseau de pédophiles ! Ça, mon 6ème sens ne l’avait pas vu venir !

Je ne dis pas qu’il ne faut pas recruter avec son feeling, mais en 2018 ça ne suffit plus pour plusieurs raisons, Jean-Pierre :

1 – les candidats sont préparés !

Oui, ils savent ce que vous cherchez et ont les réponses à vos questions. Vous risquez plutôt d’évaluer la préparation du candidat à l’entretien (et donc vous donner un bon feeling) que sa réelle performance ! C’est la raison pour laquelle je cherche à poser des questions « atypiques » qui, sans déstabiliser le candidat, permettent d’avoir une vraie conversation.

2 – La recherche des candidats n’est pas sur leur CV !

Prenez en compte le nombre croissant de candidats qui souhaitent changer de carrière et qui, à 20 ou 40 ans, ont un CV qui ne correspond plus à leurs attentes futures. Alors que faites-vous ? Vous écoutez vos intuitions et les éliminez, ou vous vous dites qu’ils attendent qu’on leur donne leur chance et seront super motivés pour relever ce nouveau challenge ?

3 – Vous recrutez, vous ne cherchez pas un mariage !

Selon l’OCDE, l‘ancienneté des salariés en entreprise a augmenté (10,9 ans en 2000, 11,4 ans en 2015). Ce chiffre cache en fait les 35% de CDI qui sont arrêtés la première année ainsi que le fait que les plus jeunes changent d’emploi plus souvent ! Je n’irais pas jusqu’à dire que cela relève davantage d’une histoire de plan c… mais…

4 – Les candidats ont changé et ne cherchent pas la même chose que vous

A mon avis, la première raison pour laquelle on a un bon feeling : le candidat nous ressemble, ressemble à notre ado, ou à ce stagiaire que l’on a recruté il y a quelques années et qui est devenu directeur financier. Bref, un classique, on se fait une idée du candidat basée sur son expérience passée et on ne parvient pas à s’en détacher. Compréhensible si vous êtes un manager qui recrute, impardonnable si vous êtes recruteur.

5 – Bonus si vous êtes recruteur : justement vous êtes recruteur, pas alchimiste !

Si recruter avec son cœur était suffisant, expliquez-moi quelle serait votre plus-value ? La raison d’être de votre profession n’est-elle pas d’avoir suffisamment de recul et de connaissance pour sélectionner les candidats (même ceux du point 2) sans tomber dans l’un des 189 biais cognitifs dont notre cerveau est équipé depuis notre naissance ? Votre force n’est-elle pas de savoir lire les CV entre les lignes pour répondre à la question de base : est-ce que ce candidat cherche uniquement à me séduire pour avoir un job ou souhaite-t-il vraiment nous rejoindre ?

Bio express

Benjamin Chaminade

Benjamin Chaminade, ex-dirigeant d’une firme de recrutement internationale à Sydney est aujourd’hui spécialiste du management de l’innovation et de l’innovation managériale.

Retrouvez-le sur www.benjaminchaminade.com

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