Face aux bouleversements occasionnés par la digitalisation, le secteur des RH vit une transformation profonde. À cette occasion, Jérémy Lamri, fondateur du Lab RH et de Monkey Tie, auteur de Les compétences du 21e siècle, répond à nos questions et donne des pistes de réflexion sur l’avenir des RH dans les dix prochaines années.
Les ressources humaines sont-elles vouées à disparaître ?
La fonction RH a un bel avenir, mais pas avec les mêmes personnes. Aujourd’hui, les professionnels RH se concentrent surtout sur des tâches administratives, bien loin de la détection et gestion de talents. Le RH de demain devra d’après moi posséder trois grandes qualités qu’on ne trouve pas forcément aujourd’hui dans la fonction : être stratège, être chef de projet et être empathique. Car demain, le capital humain sera la source de différenciation d’une entreprise par rapport à une autre. Nous vivons une période troublée où le marché se digitalise. Une fois ce cap passé, les technologies deviendront des commodités. L’humain fera la différence et les talents en interne feront la force d’une entreprise.
Quelle sera alors la fonction RH ?
Le travail du RH sera de planifier les besoins en capital humain et d’enrichir les talents, de les accompagner dans l’avancement de leur carrière et les faire progresser dans leur développement personnel comme professionnel.
Combien de temps va prendre cette transition ?
D’après moi, cette nouvelle phase devrait prendre forme d’ici 5 à 8 ans, car nous allons connaître d’ici deux ans une première phase de rationalisation de la fonction RH. Car beaucoup de dirigeants remettent en question l’impact de ce poste et vont essayer de réduire les effectifs en essayant de les remplacer par des solutions digitales. Mais à terme, ils réaliseront qu’il va manquer le capital humain dans la gestion RH.
Demain, les RH ne joueront donc plus le rôle d’intermédiaire dans le recrutement de nouveaux talents?
Non, le RH ne sera plus un intermédiaire, mais il sera un facilitateur. Il aidera les managers à identifier les candidats en adéquation avec les postes et leur livrera les bonnes pratiques du recrutement. Mais le RH ne sera en effet plus un passage obligatoire lors du recrutement. Les RH ont déjà prouvé qu’ils n’étaient pas meilleurs recruteurs que d’autres, car les pratiques et les codes évoluent, mais les RH souffrent d’un manque de remise en question et de remise à niveau. La fonction a été jusqu’ici trop conformiste par faute de prise en compte de la part des dirigeants.
Quelle disruption technologie devrait encore bouleverser le secteur des RH ?
La réalité virtuelle a un potentiel énorme pour repenser le monde de la formation et de l’évaluation, comme c’est déjà le cas dans des industries de pointe comme le nucléaire ou l’aéronautique. Mais la réalité augmentée devrait aller plus loin et nous permettre de redéfinir la productivité et les profils qu’on va rechercher. Elle va obliger les entreprises à analyser le comportement des gens et leur esprit critique face à des situations. Enfin, l’intelligence artificielle (chatbots, analyse automatique) devrait faire bouger les RH, mais tant que la machine ne sera pas dotée de conscience, il sera difficile de l’utiliser.
Êtes-vous optimiste quant à l’avenir du secteur RH ?
Optimiste sur le fait que les choses vont changer avec une prise de conscience des entreprises qu’il faut transformer les métiers RH et plus globalement le système. Mais assez pessimiste sur l’impact social de cette transformation. Je crains une crise sociale profonde liée au manque d’anticipation des dirigeants.
Cet article est paru initialement sur re.sources, le laboratoire de réflexion et d’action sur l’emploi du groupe Randstad France.