Un masque de plongée Decathlon qui se transforme en protection pour les soignants, des partenariats inédits qui naissent entre entreprises, une créativité renforcée pour la mise en place de mesures de télétravail…La période de confinement et la crise sanitaire ont bouleversé l’innovation en entreprise. Une tendance qui pourrait bien se confirmer dans les prochains mois.
La crise sanitaire a plongé les entreprises dans une situation inédite, devant faire face pour certaines à des fermetures, pour d’autres à la mise en place pour la première fois du télétravail de façon massive. Si la période reste marquée par les difficultés, elle a aussi permis de grandes avancées sur le plan de l’innovation.
« Le département de mon entreprise qui a le plus profité du confinement est celui de la R&D », assure Bruno Bouygues, Président de GYS, champion français de la machine-outil. Et pour cause : placés en chômage partiel, loin de leur combat quotidien pour livrer leurs projets en temps et en heure, les ingénieurs étaient au repos, laissant leur esprit ouvert à de nouvelles idées. « A leur retour dans l’entreprise, ils étaient frais, plein d’entrain et avec une créativité folle pour se lancer dans de nouveaux projets, assure le chef d’entreprise. Cela a permis de réaliser de nombreuses avancées ». Cette période a aussi permis aux commerciaux de l’entreprise d’échanger avec les donneurs d’ordre sur la montée en technologies de l’entreprise et sur leurs attentes pour le futur. Autant d’éléments qui permettent de voir l’avenir avec de nouveaux projets.
Un accélérateur de changement
Chez Saretec, cette période a aussi obligé les équipes à innover. Spécialisé en conseil, expertise et gestion de sinistres, l’entreprise a dû s’adapter aux circonstances. « Face à une crise covid qui impacte structurellement le métier d’expert en empêchant tout déplacement, notre entreprise a dû accélérer l’usage des technologies de visio expertises même pour les sinistres les plus complexes », précise Jean-Vincent Raymondis, DGA de Saretec. Cette crise a été un accélérateur de changement assez foudroyant, car des processus émergents qui étaient encore au stade de l’innovation sont devenus des priorités ».
Au total, l’entreprise a généralisé la visio expertise et ainsi transformé le métier de 700 collaborateurs du jour au lendemain. Et au passage elle a dû dépasser des freins jusqu’ici bloquants pour le développement de l’entreprise. « Sur des sinistres complexes, nous avions des réticences à utiliser la visio expertise tant sur le plan de la transformation profonde du métier d’expert terrain qu’elle occasionnait que sur l’appétence des assurés confrontés à un sinistre important sans venue d’expert sur place », explique le gérant.
Une innovation pensée par tous
« Le confinement a accéléré l’innovation, confirme Mickael Balondrade, expert intelligence économique et directeur marketing et commercial de Cap be different. On est passé d’une innovation planifiée à celle d’urgence. Quand tout s’arrête, tout le monde se pose les bonnes questions sur ce qu’il est possible de faire, pour qui et comment ».
Tout le monde, vraiment. Car la crise sanitaire a aussi démontré que l’innovation n’était pas toujours que l’affaire des équipes R&D des entreprises. « Le confinement a libéré la parole de personnes qui ont de bonnes idées mais qui ne font pas forcément partie des services R&D des entreprises », assure Mickael Balondrade. Chacun à son niveau peut proposer quelque chose d’innovant, sans que l’innovation soit forcément coûteuse.
Décloisonner les services, les secteurs et les entreprises
Saretec a déjà tiré une leçon de cette période, que l’entreprise entend bien appliquer pour l’avenir. « Il ne faut pas conserver l’innovation dans les directions R&D, mais la partager au plus tôt avec les équipes terrain, même à petite échelle et même si le produit n’est pas parfait, assure Jean-Vincent Raymondis. La confronter au terrain permet d’accélérer les déploiements ».
Cette accélération de l’innovation qui peut donc toucher toute l’entreprise impacte aussi la manière de gérer l’innovation entre les groupes. « La transversalité entre les acteurs et la naissance de partenariats inédits nés pendant la période confirme cette tendance », souligne Mickael Balondrade. Ainsi, un respirateur open source MakAir a été développé en seulement quatre semaines grâce à un partenariat inédit entre le CHU de Nantes, le groupe Seb, Renault et STMicroelectronics. Une alliance de force où chaque acteur est sorti de son secteur pour innover. « Les entreprises apprennent à décloisonner et à changer d’univers, ce qui ouvre des potentiels énormes qu’on ne pouvait pas imaginer auparavant », précise Mickael Balondrade.
Sortir de la crise par l’innovation
Ce bond en avant de l’innovation, l’Association des Conseils en Innovation entend bien le confirmer et en faire un argument de taille pour relancer l’économie mise à mal par le confinement. « Les temps de crise sont des moyens intéressants pour faire accélérer des innovations en cours, tant sur des plans technologiques que sur des essais de laboratoire ou sur le management , souligne Emmanuelle Pianetti, Déléguée générale de l’Association des Conseils en Innovation. Notre association appelle de ses vœux que l’innovation se trouve au cœur du plan de relance pour faire la différence parmi les concurrents internationaux ».
Bruno Bouygues partage cette vision. Selon lui, « la dynamique devrait se poursuivre, car en temps de crise, lorsque les places se font plus rares sur les marchés, la différence par le prix ne suffit pas, il faut de l’innovation. Apporter quelque chose de plus, de neuf aux clients pour éviter de tomber dans une crise importante ». En sortie de confinement, l’entreprise a d’ailleurs embauché des ingénieurs supplémentaires pour travailler sur l’innovation du temps long.
« Les entreprises qui ne s’adaptent pas rapidement à l’accélération des usages risquent de se trouver en retard par rapport à des clients prêts et en attente d’innovation », lance Jean-Vincent Raymondis.
Une impulsion qui doit être portée bien souvent par un chef d’entreprise visionnaire et prêt à innover. Pour Mickael Balondrade, « avoir une vision innovante permet de l’insuffler en interne, de fédérer des hommes et des femmes et de libérer leur parole pour émettre des idées innovantes ».